"Que devons-nous faire si nous sommes attaqués ? Nous vendons chèrement notre peau", s'est insurgé Michalis après les incidents survenus à Marseille entre les supporters du PAOK et de l'OM en marge du match aller. Il a dénoncé les embuscades, les "agressions" et la présence dans la cité phocéenne de supporters de l'AEK Athènes, le club rival du PAOK, dont les ultras sont liés à ceux de l
Le supporter de 32 ans a déclaré qu'il avait "grandi dans les bus de supporters". "Je suis allé en Russie, en Turquie, en Italie. C'est la première fois qu'on nous envoie des couteaux et des fumigènes directement dans les tribunes", assure ce membre de "Gate 4", le collectif des ultras du PAOK qui porte le nom de la tribune où ils se rassemblent. L'OM avait fait circuler quelques photos de la zone visiteurs du Stade Vélodrome, qui témoignent de la dureté des incidents.
"Pour la première fois de ma vie, j'ai eu peur", a ajouté Giorgos, 57 ans, qui suit son club depuis 20 ans en Europe. "Lorsque nous avons quitté le stade, il n'y avait pas de bus pour nous escorter et j'ai dû marcher cinq kilomètres jusqu'à mon hôtel, sans policiers et à la merci d'attaques criminelles", dit-il.
Les supporters et les dirigeants du PAOK étaient unanimes pour dénoncer le traitement infligé dans la cité phocéenne. Après le match, le club avait fustigé "l'incompétence monumentale de la direction de la police des Bouches-du-Rhône (...) Ce n'est que grâce à des efforts surhumains que nous ne déplorons aucune victime", selon un communiqué.
"Sentiment d'injustice"
La violence se révèle toutefois indissociable du football grec. Le 1er février, un jeune homme de 19 ans a été tué, poignardé par des hooligans du PAOK parce qu'il était membre d'un club rival. "En tant que société, nous avons vraiment raté quelque chose lorsque des jeunes de 20 ans s'entretuent. Nous devons tous faire notre autocritique", assure Eleni Bountou, une journaliste sportive proche du PAOK. Pour Lukas Tsiptsios, doctorant en histoire grecque contemporaine à Rouen et McGill, "la culture de la plainte et du sentiment d'injustice fait partie du processus de construction du club".
Parmi les réfugiés qui ont débarqué à Thessalonique après la guerre gréco-turque (1919-1922), l'élite bourgeoise des Grecs d'Istanbul a fondé en 1926 le PAOK, une association sportive pan-thessalonique. Et tandis que l'État grec se centralisait peu à peu, Thessalonique se marginalisait et, avec elle, le PAOK. "Le PAOK serait le club dominant de la région nord et c'est pourquoi un lien très fort se crée avec la marginalisation et une certaine idée de la "décadence" du nord du pays, estime Lukas Tsiptsios.
Le président gréco-russe Ivan Savvidis, originaire de la région pontique, est la "figure salvatrice" du club qu'il a repris à partir de 2012 : "C'est lui qui a sauvé le club surendetté, alors au bord du gouffre", selon l'historien, et qui a gagné la fidélité des supporters. "Soutenir le PAOK est un mode de vie, le moteur de notre existence. Nous jouons un rôle important dans le développement de notre club et nous sommes fiers d'être connus dans toute l'Europe", affirme Giorgos.
"Comme une drogue"
"Une fois que tu es tombé dans le panneau, c'est comme une drogue, un microbe qui prend possession de toi. Quand le PAOK joue, plus rien ne compte, ni les femmes ni quoi que ce soit d'autre", ajoute Michalis. "Nous sommes le club des réfugiés, on nous traite de Bulgares, mais ça n'a pas d'importance. Nous sommes uniques", ajoute fièrement l'ultra.
La réception de l'OM se fera à guichets fermés, mais sans les supporters marseillais. Les autorités grecques avaient demandé lundi à l'UEFA de leur interdire le déplacement en raison des risques d'affrontements. Dans une déclaration publiée mardi, les supporters grecs ont exigé que "rien ne soit jeté sur la pelouse", mais que "tout le stade soit comme la porte 4" : incandescent. "Le Toumba va exploser de toutes ses coutures. Ce sera un grand moment", dit Michalis.