Portée par les évolutions sociologiques induites par la pandémie du COVID, L'Adéenne du Sport propose à ceux qui la rejoignent (clubs et candidats) des actions pour redynamiser les valeurs du sport. Pour une nouvelle forme de marketing sportif.
Antony Thiodet, son fondateur, a été auparavant Sport Marketing Manager chez adidas, VP Business Operations à l'ASVEL Basketball ou encore directeur de la stratégie stade et réseau aux Girondins de Bordeaux et a répondu à nos questions !
Sport Buzz Business : Compte tenu de vos expériences passées, quel regard portez-vous sur l'évolution du fonctionnement des clubs dans le sport professionnel ?
Antony Thiodet : En 1989, j'effectue un stage au sein du club de basket-ball de l'Olympique d'Antibes Juan-les-Pins, alors champion de France. Je prends conscience du déficit de structuration du mouvement sportif. Il y a quelque chose à construire, c'est ce qui m'a motivé à passer à une ère de professionnalisme, parce que le marché l'exigeait, il fallait créer des sociétés commerciales, donner des moyens. Là où nous avons été négligents, c'est sur l'équilibre nécessaire entre les logiques d'exigence de performance et de préservation du patrimoine. Nous avons eu une intrusion d'acteurs périphériques qui ont imposé de nouvelles exigences, comme la télévision qui a influencé les horaires et les concours. Aujourd'hui, nous avons les fonds de pension avec leur volonté de rentabilité sur des périodes courtes, ce qui surchauffe la machine. Le message que je délivre aujourd'hui est la nécessité de revenir à un meilleur équilibre des choses.
Les clubs professionnels se sont engagés sur la voie de l'hyperperformance, ce qui a paradoxalement éloigné le mouvement sportif de ce qu'est le sport à la base. Il y a des raisons de s'inquiéter de certaines évolutions.
CFF : En ce qui concerne les fonds de pension, vous connaissez bien le sujet avec votre expérience aux Girondins de Bordeaux...
AT : J'ai été recruté dans le cadre de la gouvernance qui était assurée par GACP et King Street. Objectivement, le club a été pris en otage, tout comme les acteurs du club dont je faisais partie. Nous avons été pris en otage parce qu'il y avait des choses qui nous dépassaient complètement et qui cristallisaient les tensions entre les deux actionnaires, poussés par une logique de rentabilité à court terme pour organiser une sortie le plus rapidement possible. C'est évidemment dangereux pour une association.
Dans mon épisode girondin, je n'ignore pas ma part de responsabilité, il y a sans doute des choses que j'aurais dû faire différemment, mais rien ne justifie la violence dont j'ai été victime et celle dont d'autres ont été victimes avant moi dans d'autres clubs... Il y a un phénomène de meute qui est irrespectueux des personnes concernées et de leurs proches. Pour moi, rien ne justifie la manière dont j'ai été menacé ou mis au pilori. C'est aussi un exemple des dérives contre lesquelles il faut se protéger. Nous ne pouvons pas ignorer que ceux qui ont "orchestré" cette vague de violence verbale ont au fond agi par amour pour leur club, ces personnes ont également été piégées...
Nous avons perdu le sens commun, le sens des valeurs humaines. C'est ce qui me questionne aujourd'hui.
CFF : Aujourd'hui, vous êtes à la tête de "L'Adéenne du Sport", un programme d'accompagnement des clubs et de leurs salariés, la suite logique ?
AT : Quand on est confronté à ce à quoi j'ai été confronté, il y a la possibilité de s'évader et d'aller vers d'autres univers. C'est ce que j'ai d'abord envisagé....
Et puis, après réflexion, j'ai mis tout ça en perspective, il y a eu la crise Covid, etc. On s'est tous demandé comment le monde allait évoluer. J'entends souvent dire que le sport est le reflet de la société... Globalement, au cours des 40 dernières années, la société a évolué dans une direction qui l'a éloignée des nobles références à la nature et à l'homme....
Nous allons entrer dans une nouvelle phase, les gens vont se sentir bousculés, j'ai moi-même été bousculé. Avec mon partenaire Pierre-Olivier, nous avons réfléchi à ce que nous pourrions apporter modestement. L'idée est d'essayer de réactiver un cadre de référence plus protecteur pour le développement du sport, en revenant à l'ADN du sport. Les circonstances font que nous devons adapter notre approche au marché. Nous avons donc revu nos curricula (anciennement Time For Biz) et les mesures d'accompagnement que nous proposons aux clubs et surtout à ceux qui les rejoignent et qui vont se retrouver dans des situations professionnelles stimulantes.
CFF : Que proposez-vous concrètement chez Adéenne du Sport ?
AT : Il y a de nombreux candidats qui souhaitent intégrer le milieu du sport professionnel et concilier leur passion avec leur métier. Ce n'est pas sans risque, cela peut créer des déséquilibres que j'ai moi-même vécus. On sait que c'est un secteur fermé, on sait qu'il est difficile de survivre quand on y entre, car ceux qui y travaillent sont plus soucieux de conserver leur emploi que de se lancer des défis, d'innover, de sortir des sentiers battus...
Les jeunes ont aujourd'hui des comportements différents, mais qui auront un impact sur les associations. Ces dernières ont tout intérêt à accueillir les nouvelles générations à bras ouverts. Pour cela, les clubs doivent être prêts à changer leur façon de penser et les circonstances doivent être telles que ceux qui apportent de nouvelles idées puissent le faire.
L'Adéenne du sport est une plateforme qui s'efforce de concilier les défis auxquels sont confrontés les clubs aujourd'hui et les aspirations des nouveaux acteurs associatifs. Il s'agit de rapprocher les visions et de faciliter une rencontre qui se veut la plus vertueuse possible.
"Cette volonté de remise en question permanente m'a peut-être fait passer pour un emmerdeur ces trente dernières années !"
CFF : Vous vous présentez donc comme un dénicheur de talents pour les associations ?
AT : Nous nous considérons plutôt comme des accélérateurs de la transition vers un nouveau cadre de management dans les clubs, qui soit en même temps plus respectueux du sport et de ses vertus. Nous avons trop considéré le sport comme un produit ces dernières années... Le deuxième axe consiste à travailler sur le côté humain de ceux qui vont entrer sur le marché du sport.
CFF : Comment travaillez-vous concrètement pour proposer des profils aux clubs ?
AT : Notre baseline est que l'humain est au centre du modèle. Pour organiser au mieux cette transition, nous devons privilégier la diversité de ceux qui vont la porter. Plutôt que de se concentrer sur l'accompagnement de candidats passés par une Sport Business School, comme il y en a de plus en plus, avec une culture assez identique, une forme de monoculture avec des idées préconçues, nous pensons qu'il faut compléter cela avec des profils différents. Nous essayons un peu de casser les processus de recrutement dans les associations. Nous y voyons beaucoup de vertus. On s'interdit par exemple de regarder des CV pour découvrir des talents. Cela n'a finalement pas d'importance. Ce qui est plus important, ce sont les qualités humaines de chacun, comment on les exprime dans un cadre collectif... Là, on ouvre un champ de diversité qui est source de richesse.
CFF : Vous organisez des événements appelés "La Tribune", quel est le concept ?
AT : Pour moi, le plus beau dans le sport, ce n'est pas ce qui se passe sur le terrain, le renversement acrobatique ou le dunk, mais ce qui se passe dans les tribunes ! La capacité du sport à faire émerger et à concrétiser la diversité et le lien social.
Notre événement "La Tribune" est un moment où nous rencontrons de jeunes candidats, indépendamment de tout examen, pour tenter d'évaluer la manière dont ils envisagent l'avenir, les valeurs qu'ils portent et l'attention qu'ils portent à la réalisation de leur projet.
Nous organisons ainsi des business games d'une journée avec un scénario qui permet d'évaluer leur capacité à créer des liens, à faire preuve d'empathie et de leadership, et d'évaluer leur perspicacité et leur capacité à être critique. Nous avons une quinzaine d'événements dans toute la France, dans les stades ou les salles des clubs avec lesquels nous travaillons. Et c'est toujours un enrichissement fantastique. On apprend beaucoup de ceux que nous allons sélectionner et suivre pendant 18 mois. Nous refusons de dire que nous sommes un organisme de formation. On ne forme personne, on se forme avec nos académiciens, avec une promotion d'une quinzaine de membres, c'est un écosystème qui se nourrit de la diversité, on peut apprendre plus de nos académiciens. Il y a plus de richesses chez eux que chez nous. C'est le message que nous voulons faire passer. Le processus pédagogique est très top-down en France, ce qui conduit finalement à une monoculture, les mêmes intervenants ? Chez nous, c'est différent, chacun se nourrit de l'autre, nous challengeons nos convictions. Nous prenons un grand plaisir à faire sauter les verrous. Cela commence avec l'événement "La Tribune", où l'on voit les jeunes évoluer avec leurs convictions, c'est enrichissant.
CFF : Quelle est l'offre de l'Adéenne du sport et quel est le profil des candidats ? Comment est-elle financée ?
AT : La France a quand même quelques vertus, notamment en matière de formation professionnelle. Nous avons des leviers intéressants avec l'apprentissage pour les jeunes avant 30 ans ou encore la professionnalisation au-delà de 30 ans. Nous "vivons" de notre capacité à mobiliser des financements pour la formation professionnelle afin d'accompagner les personnes qui intègrent L'Adéenne du sport sur une période de 18 mois. En parallèle, nous accompagnons les clubs qui décident de recruter un tel candidat en facilitant sa rencontre.
"Quand un universitaire arrive chez nous, il a la garantie d'avoir un emploi, son premier, son deuxième. Nous nous occupons des employeurs en amont".
CFF : Concrètement, combien coûte l'Adéenne du sport pour un profil ?
AT : Je suis choqué de voir qu'il faut le plus souvent payer 30 à 40 000 euros pour sortir diplômé de la filière "management du sport". Je trouve que cela va à l'encontre de l'esprit de la Constitution, qui stipule que l'enseignement supérieur doit lui aussi rester gratuit. C'est pourquoi l'une de nos priorités est que cela soit absolument indolore pour nos universitaires et qu'ils n'aient rien à payer. Mieux encore : lorsqu'un universitaire commence chez nous, il a la garantie d'obtenir un emploi, son premier, son deuxième... Nous approchons les employeurs en amont. Ensuite, nous comparons les profils avant l'entrée dans l'académie. Ne viennent chez nous que ceux pour lesquels nous avons trouvé un emploi.
Cela ne coûte rien au candidat, bien sûr un peu à l'association avec le salaire de la personne. Mais il y a des aides et, avec notre longue expérience, nous garantissons à l'association que l'investissement sera rentable. Si ce n'est pas le cas, nous nous engageons à couvrir le delta. Mais cela ne nous est jamais arrivé depuis le lancement de Time For Biz. Le club est dans une situation où il produit de la richesse, mieux, nous avons un retour sur investissement (ROI) de 6. Tout club qui accueille un universitaire et qui dépense 1€ en gagne 6.
Sur cette base, encore une fois, il y a des centaines d'emplois à pourvoir dans le sport professionnel. Mais pour cela, encore une fois, les clubs doivent changer "leur disque dur" et le candidat doit être accompagné. Car il sera broyé par une machine qui ne vise que le statu quo. Ce n'est pas tenable, toutes les structures doivent être agiles pour s'adapter aux évolutions du monde.
Nous sortons de la crise avec beaucoup d'aspirations fortes, nous cherchons plus de sens à nos actions, à notre consommation... Le sport est une formidable plateforme, nous vivons des événements collectifs... Nous devons arrêter de vendre des panneaux au bord du terrain ou un quatrième sponsor short. Nous devons arrêter de vendre des retransmissions télévisées, uniquement parce que la télévision n'existe pas pour la plupart des sports, mais surtout parce que ce n'est plus le plus important. Nous devons revenir à l'ADN, à ce que le sport a à vendre comme contribution à un meilleur équilibre social. Si les clubs se l'approprient, il y a des richesses à saisir, presque sans limites.
"Il faut revenir à l'ADN, à ce que le sport a à vendre en termes de contribution à un meilleur équilibre sociétal".
CFF : Quel type de contrat un académicien signe-t-il avec un club ?
AT : Le contrat de travail est un contrat à durée déterminée ou indéterminée... C'est l'employeur qui décide, tout comme la rémunération. Dans notre cycle d'encadrement de 18 mois, nous avons six séminaires d'une semaine avec des thèmes propres. Car nous ne venons pas du monde académique, mais du monde réel. Nous avons vécu des choses sur lesquelles nous nous sommes appuyés et que nous avons partagées, et nous avons été mis au défi par les universitaires. De plus, chaque semaine, nous avons une réunion d'accompagnement par visioconférence où nous discutons des problèmes rencontrés et essayons de trouver des solutions concrètes... En 18 mois, donc, seulement 6 semaines d'absence, qui sont au fond des occasions fantastiques de sortir la tête de l'eau, de se ressourcer, de prendre du recul, d'analyser les situations vécues et d'en ressortir plus fort.
Parfois, on se retrouve dans la machine à laver d'une saison et on ne réfléchit plus, on répète mécaniquement les mêmes choses... De plus, nous avons également un pool de coachs experts qui peuvent intervenir dans différents domaines comme la préparation mentale. Chacun a par exemple la possibilité d'accéder gratuitement à cinq séances spécifiques de préparation mentale.
CFF : Où se déroulent les séminaires ?
AT : Nous avons choisi de passer les 6 semaines dans un environnement qui optimise et valorise les dimensions des relations humaines. La clé pour nous réside dans les "soft skills" dont j'ai parlé plus tôt, et non dans les "hard skills". Les "soft skills", c'est la capacité à créer de l'humain. Finalement, c'est dans les zones rurales que l'on trouve les relations humaines les plus pures. Il y a une exigence de solidarité, il faut pouvoir compter sur son voisin. Nous avons donc choisi d'organiser nos séminaires dans le Gers, le deuxième département rural le plus long de France. C'est parfois un choc pour les académiciens, mais ils déconnectent parce qu'il n'y a pas de demandes extérieures, à part les contacts avec les gens du village. C'est l'occasion de réfléchir à ce qui fait au fond la richesse de la vie. Nous devons sensibiliser à nouveau nos universitaires à la nécessité de préserver la qualité des relations humaines. Nous le faisons en les faisant sortir de leur zone de confort. C'est l'un de nos facteurs de différenciation. Nous leur proposons des expériences pour sortir du mainstream et se défaire de croyances limitantes.
CFF : De quel type d'expériences s'agit-il ?
AT : Nous avons récemment fait intervenir un astrologue pour réactiver l'humilité nécessaire chez nos universitaires, qui peuvent parfois s'imaginer être au centre de l'univers. Mais de quel univers s'agit-il ? Ou encore : puisque dans le sport, de nombreux concepts sont manipulés en boucle et finissent par former des dogmes, nous nous efforçons de sortir nos académiciens de ces dogmes. En les amenant à accepter que la réalité n'est pas tout à fait ce que nous croyons. C'est un message important, nous voulons constamment aiguiser le sens critique de nos universitaires. Car la réalité cache peut-être des possibilités d'épanouissement et de développement.
Pour les éduquer à cet état d'esprit, nous leur avons récemment proposé un spectacle de magie avec un magicien de renommée internationale installé dans le département du Gers. La magie est la mise en scène de ce que la réalité n'est pas ce que l'on croit. Les académiciens en font l'expérience et ensuite ils échangent sur le sujet. Dans le système scolaire, les écoliers, les lycéens et les étudiants ne sont jamais encouragés à remettre en question ce qu'on leur dit, il y a une culture descendante, alors que je pense que nous devons tous apprendre les uns des autres. Cette volonté de remise en question permanente m'a peut-être fait passer pour un emmerdeur au cours des 30 dernières années ! J'aime remettre en question les façons de faire que l'on reproduit sans cesse, sans jamais les remettre en question. Et c'est un phénomène qui est très présent dans le sport professionnel et qui, à mon avis, limite finalement le développement. Cette volonté permanente de voir les choses différemment m'a valu quelques déboires ou incompréhensions. Mais rien ne me fait plus ricaner que lorsqu'un de ces universitaires nous défie et nous amène à penser que nous nous trompons peut-être...
CFF : On voit que ce projet vous tient particulièrement à cœur et qu'il vous apporte apparemment aussi un épanouissement personnel.
AT : C'est le sens de la marque déposée. L'Adéenne du Sport réactive en fait ce qui m'a toujours passionné dans le sport. Ce que je trouve passionnant, c'est qu'il est un fantastique terrain d'épanouissement personnel. Après l'épisode des Girondins, je me suis dit que finalement ce n'était pas ce que je pensais, peut-être que je me suis trompé pendant 30 ans, mais au fond non...
Avec Pierre-Olivier, mon partenaire, il ne s'agit pas d'obtenir des résultats. Il y a tellement de choses à faire dans ce monde. Je n'aspire pas à acheter une Ferrari ou à voyager dans l'espace. S'il y a des richesses supplémentaires, elles doivent être partagées, notamment avec la région où nous sommes implantés, avec les acteurs locaux... Ce qui me motive, c'est de contribuer à ce qui se passe autour de nous, c'est une forme d'accomplissement qui me comble, moi et ma famille.
CFF : Quels conseils donneriez-vous à quelqu'un qui débute dans le monde du sport ?
AT : Le message au fond est d'encourager à se protéger des effets de la lumière. C'est aussi le sens de notre accompagnement. Quand on débute dans le sport, on parle de ton club dans les journaux, on ne parle pas directement de toi, mais de ton club. Mais si tu es passionné, quand on parle de ton club, on parle de toi, et si on parle mal de ton club, cela t'atteint. Il faut être préparé à supporter cela ! A l'époque où je travaillais dans la vente à l'ASSE, j'avais parfois du mal à acheter le journal le dimanche matin quand on avait perdu, ça m'a influencé. Dans ce contexte, il faut garder beaucoup de distance et bien évaluer les choses.
Aujourd'hui, dans leur métier, les nouvelles générations donnent la priorité au sens sur toute autre considération. Par rapport aux générations précédentes, elles ont déjà fait une transition, elles ne vont pas chercher la poudrière.
Pour ceux qui veulent travailler dans le sport, il ne faut pas se leurrer, ils n'auront pas des salaires mirobolants. On leur fait souvent miroiter des choses lorsqu'il faut justifier une dépense de 40.000 € pour cinq ans d'études... Comme si l'économie qui touche les joueurs et les agents concernait aussi les gens de l'encadrement, ce n'est pas vrai ! Ne cherchez pas un statut social, mais une plateforme qui vous permette de vous épanouir. Il ne faut pas considérer le sport pour autre chose que son ADN, le sport a un sens. C'est en y repensant que l'on retrouve la prospérité. Avec L'Adéenne du Sport, nous la projetons dans un métier de créateur de valeur pour son club. Créateur de valeur, cela peut d'abord ressembler à un de ces noms inventés pour valoriser artificiellement une fonction, un emploi. Pour dire autre chose que "commercial". Mais je pense néanmoins que c'est ce que nos universitaires doivent devenir. Créateurs de valeurs, sous toutes leurs formes.
Pouvez-vous nous donner quelques exemples de clubs avec lesquels vous travaillez ?
AT : Il y a un club qui est assez parlant, c'est Provence Rugby. Ce club de la métropole d'Aix-Marseille, qui évolue en PRO D2, développe petit à petit un projet porté par la société Voyage Privé. L'actionnaire aurait les moyens de se dire : on met 15 millions d'euros sur la table et on monte en TOP 14, voire plus... Mais non, ils avancent pas à pas. Ils ont notamment mis en place le dispositif "École des XV", qui vise à lutter contre le décrochage scolaire. En 2021, Voyage Privé s'est reconverti en entreprise à mission.
Le club de football Lyon la Duchère est également bien ancré dans les thématiques de RSE. Nous avons trois universitaires chez eux, L'Aviron Bayonnais a également basculé vers une entreprise à mission, et nous avons trois universitaires et une ancienne de chez nous qui va prendre une fonction de direction commerciale.
De plus en plus souvent, les associations avec lesquelles nous travaillons s'engagent dans une relation plus profonde que le recrutement d'universitaires. On partage des idées et des valeurs qui portent la collaboration.
Nous avons des promotions de 18 à 20 ans maximum, et si nous offrons de la qualité en termes d'encadrement, cela nous donne la possibilité de choisir les clubs qui nous correspondent le mieux. Pour certaines promotions, certains sont dans un club depuis 4-5 ans et souhaitent réactiver leur vision et entrer dans l'académie. Cela est également possible.
Au total, depuis 5 ans et le début de Time For Biz, nous avons travaillé avec plus de 60 clubs et 170 académiciens.
CFF : Un mot sur Pierre-Olivier Matigot, votre partenaire ?
AT : C'est d'abord une histoire humaine, nous nous connaissons depuis 30 ans et sommes toujours restés en contact. Je lui ai trouvé un stage à la FFBB alors qu'il avait décidé de changer de carrière après des études d'économie et cinq ans dans une grande entreprise américaine. Il voulait clairement se concentrer sur ce qui était sa passion, le sport. Il était plus à l'aise dans le monde de la communication et de la presse (basket-ball, handball, football), car son autre passion était l'écriture, le fait de raconter une histoire. Aujourd'hui, nous sommes tous les deux conseillers seniors. Nous partageons les réflexions pédagogiques, c'est plus qu'un partenaire, c'est un ami avec qui on conçoit le projet.
CFF : Que vous souhaite-t-on pour les cinq prochaines années ?
AT : Nous espérons créer une belle communauté qui partage les mêmes valeurs, entre ceux qui sont partis avec nous et les associations. Que les jeunes disent que c'était une expérience enrichissante pour eux personnellement et que c'est un bon tremplin vers un monde qui les passionne.
CFF : Que répondez-vous à ceux qui critiquent votre vision avec ce projet qui ne semble pas correspondre à l'image des Girondins ? Essayez-vous de "nettoyer" votre image ?
AT : La majorité de vos lecteurs penseront probablement que je cherche à "nettoyer" mon image. Mais je n'ai jamais poursuivi d'intérêts personnels ou d'ego, je veux faire quelque chose. En accord avec la vision qui a toujours été la mienne et que je mets en œuvre depuis des décennies.
Lorsque j'ai créé il y a 15 ans à l'ASVEL une association dédiée à l'insertion du club dans sa communauté, ou lorsque j'ai mis en place un dispositif d'aide à la professionnalisation des clubs amateurs de la Ligue de Lyon de basket-ball, qui a déjà permis la création de plus de 100 emplois, j'étais déjà animé par un profond attachement à un sport exemplaire et responsable. Mon objectif est avant tout de convaincre les nouvelles générations qu'il peut être intéressant de faire un bout de chemin avec nous et de contribuer à l'émergence d'une nouvelle forme de sport marketing. Les nouvelles générations sont habituées aux fake news et fondent leur jugement sur le contact direct que nous établissons dans le cadre de nos tribunes. Ceux qui viennent nous voir doivent se forger leur opinion et agir en conséquence. C'est le plus important.