Je ne suis pas une salope, je suis une journaliste, le documentaire de Marie Portolano, diffusé en mars dernier sur Canal+, a provoqué une prise de conscience et un véritable séisme. La principale victime était bien sûr Pierre Ménès, dont certains passages avaient été censurés par la chaîne cryptée. Après avoir lui-même décidé de se retirer, le journaliste du Canal Football Club a effectivement été licencié au début de l'été.
La diffusion du documentaire a également causé des dégâts à Radio France. La faute, cette fois, au harcèlement dont a été victime la journaliste de rugby Amaia Cazenave sur France Bleu Pays basque. "Ça a commencé à se dégrader quand j'ai vu qu'il y avait des collègues qui se permettaient des remarques sexistes sur mon physique, beaucoup sur ma façon de m'habiller ou de me maquiller", a-t-elle raconté dans son témoignage, ajoutant : "Par exemple, en hiver, je mets un pantalon en cuir et un collègue me dit : "Tu vas t'envoyer en l'air ce soir". Ensuite, il y a aussi des épisodes qui sont perçus comme des humiliations. On m'enferme dans un bureau pour me dire que je ne dois pas parler trop fort. Ces manœuvres ont commencé à devenir tellement monstrueuses à mes yeux que j'ai pris une feuille de papier et j'ai commencé à écrire ce qui m'arrivait, avec des dates, des faits détaillés, avec ces phrases".
Il y a des gens qui ne me parlent plus.
Après l'ouverture d'une enquête au cours de laquelle pas moins de 80 travailleurs ont témoigné, pas moins de onze procédures disciplinaires ont été engagées, qui ont abouti à quatre réprimandes, trois licenciements avec suspension de salaire et deux licenciements. Mais les semaines qui ont suivi la diffusion du documentaire ont été particulièrement délicates, si l'on en croit cette femme qui travaille désormais au Parisien. "Là aussi, trois semaines ont suivi : travailler, commenter des matchs de rugby et en même temps recevoir des appels de tout Radio France, de la présidente, des syndicats, des collègues. Il y avait des gens qui m'appelaient pour me dire : "Voilà, untel m'a convoquée pour savoir si je n'avais rien à dire sur toi, si je ne voulais pas témoigner contre toi, comment tu allais dans ta vie privée", a-t-elle raconté au magazine Brut.
Ensuite, il y a eu des personnes qui ont été licenciées, qui ont été sanctionnées", a-t-elle poursuivi. Donc c'est la même chose : on leur donne la parole, on vous oublie. Et je crois que le point culminant, c'est quand j'ai appris que les accusés avaient reçu un soutien psychologique. Du moins, on le leur avait proposé. Et puis on a loué leur dignité quand ils ont dû quitter la rédaction un vendredi après-midi avec leurs cartons, alors que l'enquête était en cours. Je dois savoir qu'après la publication du document, certaines personnes ont cessé de me parler, de m'aborder. Je n'ai eu absolument aucun soutien, ni psychologique ni autre, j'aurais pu me déconnecter complètement...".