Alexandre Debanne, le Raid Amazones fête cette année ses 20 ans d'existence. Qu'est-ce que cela signifie à vos yeux ?
Je n'ai pas vu venir ces 20 ans. Je l'ai certes remarqué, mais je n'y ai même pas pensé. Quelqu'un m'a dit : "Tu as vu que ça fait vingt ans ? Ah oui, m...., déjà (rires). Nous allons essayer de pousser les choses le plus loin possible, car nous sommes actuellement à la fin de la crise Covid. Malgré tout, nous devons respecter une bulle de santé, faire attention aux contacts, et c'est énervant parce que nous ne pouvons pas faire ce que nous voulons. Nous verrons, nous nous adaptons de jour en jour.
Vous souvenez-vous de vos débuts ?
Oui. Au début, on l'avait fait en Guyane, au milieu de la jungle. J'avais repris un ancien camp de la Légion étrangère qui était sur le point de fermer. Ils me l'ont donné à condition que je l'entretienne, et j'ai dit OK. On était à 40 kilomètres de Saint-Laurent de Maroni, vraiment au milieu de la jungle et des carbets, même pas de tentes. Et personne ne dormait, parce que la jungle mange la nuit (sic), elle fait du bruit, donc les filles étaient horrifiées. Je me suis dit que si elles venaient quand même dans la jungle guyanaise, avec des araignées qui pèsent un kilo et des anacondas qui font six mètres de long, on avait une bonne idée et elles sont venues.
Et ça n'a jamais cessé, jusqu'à ce vingtième anniversaire ?
Ce n'est pas un business. Tant que ça marche, je le fais. Le jour où ça s'arrêtera, je serai à la fois triste et soulagé (rires). Je serai à la fois triste parce que ça s'arrêtera et soulagé parce que j'aurai enfin du temps pour moi. Pour l'instant, ça continue, donc je suis pris en otage.
Vous soulignez très clairement une chose : le raid amazonien est tout sauf un business ?
Quand j'ai lancé le Raid Amazonien, il n'a jamais été question d'un business. Si ça marche, tant mieux. Je dépense tout, nous faisons les comptes à la fin, et s'il reste quelque chose, tant mieux. J'ai toujours prévu une grande réserve pour les mauvais moments, et c'était bien, car il y a eu deux années blanches et nous sommes toujours là grâce à cela.
"Sur le chemin du retour, les filles ont fait le Raid Blues"
Qu'est-ce qui vous plaît tant dans cet événement ?
Il y a déjà la dimension voyage qui est très importante pour moi, c'est-à-dire la découverte d'un pays, de sa culture, de ses habitants, de son histoire et de ses traditions. C'est la tête et les jambes, le raid amazonien. Ce n'est que de la bienveillance, des ondes positives et de belles histoires de la part des filles. Il y a aussi beaucoup de pleurs, mais ce sont des émotions pures. Cette année, nous avons une participante qui a perdu son fils de 16 ans dans un accident de ski, et elle vient quand même parce qu'elle veut surmonter tout ça et faire quelque chose pour lui. Cela nous a donné la chair de poule. Les filles viennent avec beaucoup de bagages, le raid amazonien est un exutoire. Elles viennent pour décharger les ordures, c'est comme ça que je l'appelle (sic). Elles ont vécu des choses difficiles, elles ont survécu et veulent prendre un nouveau départ, alors elles viennent pour boucler la boucle, en famille ou entre amies. Et elles se racontent mutuellement leurs histoires. Et il y a une solidarité incroyable. Elles nous collent les cheveux sur la tête à chaque fois et nous savons que cela va continuer. C'est notre drogue, vraiment.
Tout comme l'aspect aventure, qui est également incontournable ?
Oui, c'est définitivement une véritable aventure. Il faut avoir les nerfs solides pour travailler dans l'événementiel. Je ne savais pas que c'était impossible, alors je l'ai fait, pour paraphraser Mark Twain. J'appelle l'événementiel "emmerdentiel" (sic). Parce que c'est la merde qui tombe du ciel. On ne sait pas quand, mais on sait que ça va arriver. Mais c'est vraiment un super événement, et je le dis en toute humilité, c'est beau parce que les filles s'investissent beaucoup. Quand elles l'ont vécu, qu'elles rentrent chez elles et qu'elles trempent leur plume dans leurs émotions, elles sortent des textes absolument magnifiques. D'ailleurs, à leur retour, elles ont ce qu'elles ont elles-mêmes appelé le "raid blues". Apparemment, ça dure un mois. Il y a même des meufs qui se promènent avec la médaille sous leurs vêtements, ça nous fait bien rire ! Et elles gardent leur bracelet d'identification jusqu'à ce qu'il tombe. Il y en a même qui sniffent le produit d'un de nos partenaires quand elles rentrent chez elles. C'est vraiment une drogue ! C'est touchant. Les filles sont agaçantes à certains égards, mais elles sont vraiment au top.
Elles devaient être impatientes de voir l'histoire se poursuivre. Cela vous a-t-il concrètement manqué ?
Non, ça ne m'a pas manqué. Parce que le dernier, c'était en 2019 à Danang, au Vietnam, et on venait de passer trois ans de sprint parce qu'on organisait trois raids par an. Les filles étaient tout feu tout flamme, elles étaient comme des folles. D'ailleurs, au Vietnam, j'avais dit qu'il fallait que j'arrête parce que je n'en pouvais plus et qu'on allait mourir (sic). Et puis Covid. On s'est reposé ! La deuxième année, on s'est dit que c'était trop. Et puis on s'est relancés, donc on est contents. On était un peu rouillés, les réflexes étaient un peu émoussés, mais l'urgence nous a remis directement dans le bain.
" L'après-raid ? On atterrit, mais c'est doux, c'est cool"
Racontez-nous. A quoi ressemble une journée type sur ce raid en amazone, qui a choisi deux fois le Sri Lanka pour son grand retour ?
Le matin, c'est le sport. Je donne le départ au lever du soleil pour éviter les grosses chaleurs. On croise les enfants qui vont à l'école en uniforme, avec la grande sœur qui pédale et les petits frères sur le guidon ou le porte-bagages. Les journées sont bien remplies ! Ils sont réveillés à quatre heures du matin, déjeunent rapidement à l'hôtel et partent à 14 heures pour l'activité de l'après-midi. Ils reviennent à 18 heures et ont le temps de prendre une douche rapide et de se reposer un quart d'heure avant le briefing de 19 heures et l'apéritif, parce qu'on finit par boire, il n'y a pas de raison (rires). Ensuite, il y a le dîner et ensuite j'ai un DJ qui s'occupe de l'ambiance. Ensuite, les filles peuvent faire ce qu'elles veulent, car elles savent qu'elles devront se lever tôt le lendemain.
Quelles nouveautés avez-vous réservées aux concurrentes cette année ?
J'ai ajouté la chasse au trésor le jour 4. Cela leur permet de souffler un peu et de se reposer, car elles se donnent à fond et ne sont pas très bien préparées pour cela. S'ils veulent gagner des points ce jour-là, ils devraient étudier un guide touristique pour en apprendre un peu plus sur la destination. Sinon, ils se font distancer le jour de la chasse au trésor. Au final, on se retrouve avec trois ou quatre grands groupes d'équipes qui se réunissent, parce que sinon ça devient trop compliqué, et qui ont chacun un roadbook extrêmement ludique. Malgré tout, il faut un vernis culturel pour pouvoir répondre. Si les filles ne l'ont pas, elles se tournent vers la population pour essayer de trouver les réponses. Elles ont toute la journée, rendent leur travail et le raid continue pour deux autres jours d'épreuves sportives et d'activités l'après-midi, visant à rencontrer des gens et à découvrir les activités locales. Comme le Sri Lanka, le sport national, a été champion du monde de cricket, ils joueront au cricket dans un stade avec de bons joueurs comme entraîneurs et apprendront beaucoup. Ils apprendront également à préparer certains plats locaux qu'ils pourront ensuite cuisiner chez eux. Je les emmènerai aussi faire un safari pour découvrir les éléphants.
Pour vous aussi, la fin du raid en Amazonie doit laisser un sacré vide après chaque session ?
Oui, ça tombe d'un coup, mais on se sent bien. Nous avons vécu un top. Nous avons livré ce pour quoi nous avons travaillé pendant un an. On sait qu'on a été utiles, on se pose, mais c'est doux, c'est cool. Nous allons bien, c'est vraiment le mot.
Vous trouverez la première partie de l'interview d'Alexandre Debanne ici.