Ce préjugé provient du "Jogo do bicho" (jeu de l'animal), un loto illégal apparu dans les rues de Rio à la fin du XIXe siècle et toujours pratiqué. Chaque parieur doit choisir une case représentée par un animal, et le numéro 24 est celui du cerf, qui est associé à l'homosexualité dans la culture populaire brésilienne, notamment parce qu'il fait partie des espèces animales dont les mâles peuvent avoir des relations sexuelles entre eux.
"Il y a un vrai tabou, même si cela peut paraître fou. C'est un numéro comme un autre, mais les footballeurs préfèrent en utiliser un autre pour que leur virilité ne soit pas remise en question", explique à l'AFP Bernardo Gonzales, militant et joueur d'une équipe de futsal trans, le Sport Club T Mosqueteiros de Sao Paulo. Selon lui, les préjugés vont bien au-delà du terrain de football, dans un pays où la violence homophobe fait des ravages. Certains hommes refusent par exemple de s'asseoir sur le fauteuil 24 au théâtre ou au cinéma, de vivre dans l'appartement 24 d'un immeuble ou utilisent des bougies 23+1 pour fêter leur 24e anniversaire. "Je ne suis pas homophobe, mais le 24, surtout pas !", s'exclame un supporter de Palmeiras dans un bar de São Paulo.
Le scandale des Corinthians
Au début de la saison, qui commence en janvier avec les tournois régionaux dans chacun des 27 Etats du Brésil, seules quatre des équipes de première division nationale comptaient des joueurs portant le numéro 24 dans leur effectif, selon un décompte de l'AFP. Et trois d'entre eux sont des jeunes qui viennent de signer leur premier contrat professionnel, comme Kevin Malthus, 19 ans, milieu de terrain de Santos.
"Ce serait bien si tous les clubs avaient un numéro 24. C'est juste un numéro associé à un préjugé homophobe. Il a pourtant été porté par de grands sportifs comme Kobe Bryant".
"Ce serait bien si tous les clubs avaient un numéro 24. C'est juste un numéro qui est associé à un préjugé homophobe. Il a pourtant été porté par de grands sportifs, comme Kobe Bryant", la star de la NBA décédée il y a deux ans, a souligné Malthus sur le portail d'information Uol. Le numéro 24 le plus connu actuellement dans le championnat brésilien est celui de l'international colombien Victor Cantillo, milieu de terrain des Corinthians Sao Paulo. Il utilisait déjà ce numéro dans son club précédent, Junior de Barranquilla.
Lorsqu'il est arrivé au Brésil en janvier 2020, le directeur sportif des Corinthians, Duilio Monteiro Alves, a provoqué un scandale en disant en plaisantant : "Il n'y a pas de numéro 24 ici". Le directeur s'est finalement excusé et le joueur a pu porter son numéro préféré. Le club de Bahia avait lancé la campagne "Numéro du respect" et plusieurs joueurs d'autres équipes ont échangé leur numéro habituel contre le 24 le temps d'un match, comme l'avant-centre Gabigol de Flamengo.
Affaires classées
Pourtant, deux ans plus tard, les préjugés persistent. L'ONG Grupo Arco-Iris (groupe arc-en-ciel), qui milite pour le respect des droits de la communauté LGBT, a récemment signalé l'absence d'un numéro 24 dans l'équipe de jeunes de Flamengo, inscrite à un tournoi des moins de 20 ans. L'association a poursuivi le club de Rio de Janeiro, mais les poursuites ont été abandonnées en raison de l'absence de preuves d'une pratique discriminatoire. Lors du même tournoi, le défenseur latéral Jurandir, numéro 24 de l'América Mineiro, a fait l'objet de chants homophobes de la part de supporters. Même la Seleçao, l'icône du football brésilien, a été salie par cette polémique.
Normalement, le problème ne se pose pas, car les équipes nationales ne peuvent amener que 23 joueurs lors des tournois. Mais lors de la Copa América, qui s'est déroulée l'année dernière au Brésil, chaque équipe a été exceptionnellement autorisée à aligner jusqu'à 28 joueurs en raison de la pandémie de Covid-19. Toutes les équipes nationales se sont présentées avec le numéro 24 - sauf le pays organisateur. La numérotation est passée directement du 23 du gardien Ederson au 25 de Douglas Luiz, milieu de terrain d'Aston Villa. Une autre plainte déposée par l'ONG Grupo Arco-Iris a de nouveau été classée, la fédération brésilienne ayant fait valoir que le choix des numéros répondait exclusivement à des critères "sportifs".