Dans un peu moins de deux semaines, Romain Bardet sera au départ du Giro et le coureur français espère que d'ici là, il se sera remis de ses émotions et aura fait table rase du passé. Très marqué par la chute de Liège-Bastogne-Liège dimanche, qui a mis à terre des dizaines de coureurs (dont peut-être lui-même, mais il ne s'en souvient plus !) et notamment Julian Alaphilippe, qu'il a secouru, le coureur de l'équipe DSM a décidé d'aborder une nouvelle fois le sujet dans les colonnes du journal français L'Equipe avant de penser à autre chose. Comme il l'avait dit après l'arrivée de "La Doyenne", qu'il avait interrompue parce que trop choquée, Romain Bardet avait eu très peur pour la vie de Julian Alaphilippe : "Il m'a écrit dans la nuit de dimanche à lundi à 2 heures du matin. Quand il a récupéré son téléphone, c'est la première chose qu'il a faite. Nous nous connaissons depuis un certain temps. J'avais peur qu'il ait une vertèbre blessée ou qu'il soit paraplégique. J'ai vraiment craint le pire", avoue le récent vainqueur du Tour des Alpes.
Bardet : "J'avais l'impression qu'il allait rester là, tout seul, pour toujours".
En ce qui concerne la chute en elle-même, Bardet reconnaît que tout est allé très vite et a été très violent. "C'est toujours difficile pour moi d'en parler. C'était une scène chaotique. Je me souviens du bruit des casques qui frappaient l'asphalte, puis des cris de douleur de tous les gars au sol... Quand ça tombe à cette vitesse, avec les disques (de frein) qui coupent comme des rasoirs, c'est comme la roulette russe. Ma crainte dans ce genre de situation, c'est qu'un jour je me fasse enfoncer une pédale dans le cou. Tu n'as plus aucun contrôle une fois que tu as été pris dans ce chaos. (...) Ce qui me fait penser que c'était vraiment traumatisant sur le plan émotionnel, c'est que je ne me souviens de rien. Je ne sais même pas si je suis tombé ou non. Je sais que j'étais dans la roue arrière de Tom Pidcock et Jeremy Cabot et que j'essayais de garder une petite distance de sécurité avec eux quand j'ai senti la vague. J'ai eu le temps de freiner, de me dire que ma saison était maintenant terminée, et à partir de là, je ne me souvenais plus de rien. La photo suivante me montre dans le fossé avec Julian Alaphilippe. (...) Je vois Julian, je vois qu'il va vraiment mal. Il peut à peine respirer, il est incapable de parler, incapable de bouger. Et là, j'ai un éclair de lucidité qui me donne l'impression d'être le seul à voir qu'il est là, qu'il souffre, et que la course continue sans se soucier de lui. Les motos repartent, les voitures aussi et je suis là, dans le fossé, je crie seul dans le vide et personne ne m'entend. C'est une détresse immense. J'avais l'impression qu'il allait rester là, tout seul, pour toujours".
Le cyclisme comme la Formule 1
Comme il l'avait fait dans un long message sur les réseaux sociaux lundi, Romain Bardet a appelé à un peu plus de calme dans le peloton. "C'est au niveau du comportement individuel que les choses doivent changer. Parfois, il faut accepter sa place dans la course. (...) Certains types prennent de plus en plus de risques et mettent les autres en danger. C'est l'essence même de la compétition, je sais. Si tu regardes la Formule 1, c'est la même chose, tu vois des pilotes kamikazes qui font tout dans un virage pour libérer une ou deux places. Mais c'est cette tendance qui m'inquiète. Il y aura des pets de ce genre dans chaque grand tour". Espérons qu'il se trompe...