La France championne du monde contre la Côte d'Ivoire vendredi à Marseille et quatre jours plus tard contre l'Afrique du Sud à Lille, ces deux rencontres étaient extrêmement rares ces dernières années. "Avec le nouveau système, nous n'avons même plus de date possible pour faire un match amical contre une sélection africaine", regrettait fin novembre le président de la Fédération française, Noël Le Graët, dans une interview à l'AFP. Le patron du football français n'avait pas menti : Les Bleus n'ont plus joué contre une nation africaine depuis le 15 novembre 2016, déjà contre les Ivoiriens (0-0).
Par le passé, "nous avons disputé des matches intéressants contre des sélections africaines sur notre territoire, où les stades étaient pleins", a ajouté le dirigeant, soulignant qu'il "aime l'Afrique". L'introduction de la Ligue des nations en Europe par l'UEFA "a marginalisé les matches amicaux, qui sont aujourd'hui pratiquement en voie de disparition", a expliqué à l'AFP Gaël Mahé, un agent de jeu de la Fifa qui travaille avec les fédérations et notamment sur le continent africain. "Les fenêtres de la Fifa sont de plus en plus occupées par des compétitions officielles, ce qui laisse peu de place aux matches amicaux entre différentes confédérations", poursuit-il. Et ce n'est pas seulement en Afrique, mais aussi en Asie et en Amérique du Sud que les équipes nationales sont victimes de l'introduction de la Ligue des nations".
"C'est dommage"
"Il faut attendre la Coupe du monde pour voir une France-Algérie ou une France-Sénégal", regrette-t-il. De fait, France-Côte d'Ivoire et France-Afrique du Sud seront les premiers matches amicaux des Bleus cette saison, et probablement les seuls en 2022. "Tout est une question économique aujourd'hui", a déclaré à l'AFP le sélectionneur marocain Vahid Halilhodzic, qui affrontera la RD Congo en barrages de la Coupe du monde. "Les télévisions et les médias préfèrent France-Angleterre ou France-Brésil à France-Maroc, c'est normal, mais c'est dommage".
Moins de matches amicaux contre les grandes nations d'Europe et d'Amérique du Sud, c'est "dommage" pour l'Afrique, dont les équipes nationales ont "envie d'affronter de meilleurs adversaires", constate Didier Deschamps. "Ils sont confrontés comme nous à la réalité de calendriers pas souvent compatibles, depuis quatre ou cinq ans c'est plus compliqué de trouver des matches amicaux", a ajouté le sélectionneur français, estimant que "c'est bien d'être confronté à des matches de football différents".
Pour Noël Le Graët, ouvert à l'hypothèse d'une Coupe du monde bisannuelle, qui s'oppose de facto au maintien de la Ligue des nations, les Bleus "doivent" aussi rencontrer ces équipes "parce qu'on a pris tellement de joueurs du continent africain", a-t-il regretté, avant de renoncer à un tournoi initialement prévu au Qatar pour privilégier ces matches amicaux plus lucratifs. Ces deux dates ont même "un vrai enjeu sportif : préparer un adversaire africain à la Coupe du monde", estime Gaël Mahé.
"Se mesurer aux meilleurs"
Ces "outils politiques de soft power soulignent aussi l'excellence des relations que le football français entretient avec l'Afrique", analyse l'agent, "et sont en cohérence avec la récente délocalisation d'une partie des activités de la Fifa à Paris". Pour la France ou l'Angleterre, l'autre adversaire des "Eléphants" de Côte d'Ivoire en mars, "la fenêtre de mars remplace presque la préparation habituelle de la Coupe du monde, sacrifiée par les instances pour protéger les ligues", ajoute-t-il. Les Bleus "jouent contre les deux meilleures équipes africaines disponibles, pour certaines équipes il faut déjà être éliminé pour jouer des matches amicaux", note Mahé avec ironie. De fait, les nations africaines encore en lice se disputeront fin mars cinq billets pour la Coupe du monde 2022.
"Côté africain, ces play-offs libèrent les nations éliminées, comme nous malheureusement", reconnaît Patrice Beaumelle, l'entraîneur de la Côte d'Ivoire, auprès de l'AFP. "Comme la France et l'Angleterre sont déjà qualifiées, elles peuvent déjà se préparer pour la fin de l'année et travailler contre des équipes d'un autre continent", ajoute le technicien français, qui rappelle qu'avant la CAN, son équipe a aussi joué contre "la Belgique à Bruxelles et le Japon à Utrecht". "C'est très important de se mesurer aux meilleurs, mais j'aurais préféré les rencontrer à la Coupe du monde", conclut Beaumelle.